Re:Walden - H.D. Thoreau
Il était sans doute indispensable de mettre en œuvre sur la scène du Petit Théâtre de la Colline toute la panoplie de la technologie numérique — images, sons, voix — pour intéresser les spectateurs du XXIe siècle à l’ouvrage de H.D. Thoreau. Ouvrage exhumé une première fois de l’oubli par la génération qui voulait fuir, dans les années 60, la société de consommation, mais dont les illusions naïves ne trouvent plus beaucoup d’échos à l’heure où les marchés triomphent et où tout le monde est en chasse d'un petit logement en ville.
Le spectacle imaginé par J.F. Peyret a de l’allure : avant-scène hérissée d’écrans, de tables de mixages, de claviers, le tout placé sous l’œil expert des concepteurs eux-mêmes du spectacle, grand-maitres des sciences nouvelles, offrant modestement leur dos au regard des spectateurs ; musique démonstrative avec pantomime virevoltante ; déambulation de comédiens à la jeunesse qu’on imagine éternelle et, sur fond d’écran, une vidéo remarquable mêlant à l’esthétique des images la créativité dont savent nous régaler les plasticiens actuels. Mais rester éveillé 1h30 devant ce grand tableau « techniconaturaliste » relevait quand même un peu de la gageüre ou de l’abnégation militante. Et je dois avouer que tous ces artifices étonnants ont eu peine à m’extraire, sinon de la somnolence, du moins de l'ennui où me replongeaient sans cesse la litanie de citations lénifiantes, les envolées pseudo rousseauistes, la tisane écologique ventant tout au long du spectacle le retour à la nature sauvage et l’impérieux besoin pour chacun de construire sa maison de ses propres mains.
Discours dérisoire ou essentiel ? Le réalisateur laisse le choix au spectateur d’en décider. Achoppements, faux oublis, interruptions du phrasé, répétitions multilingues, traductions interactives, bref une déclamation savamment distillée pour signifier le caractère étrange d’un propos qui serait devenu inaccessible à l’entendement contemporain. Mais lorsque les comédiens, dans un beau numéro d’auto dérision, feignent de lire leurs proclamations au dos d’emballages de bonbons façon « blagues caramba », on comprend que tout cela n’est pas à prendre au sérieux, qu'il s'agit seulement d'un recueil de maximes gentillettes, de blagues un peu bébêtes et totalement anachroniques. Ouf, on respire ! Nous rentrerons rassérénés dans notre petit logement en ville.