« Elle te plaira, me dit Allan, c’est une fille super. On se connait depuis toujours… nous avons fait des tas de bêtises ensemble ! » Il a prononcé ce « elle te plaira » d’un ton enjoué, avec un brin de mystère, comme s’il m’avait préparé une bonne surprise. Aucune des filles présentes n’avait jusqu’alors éveillé l’idée d’un flirt et je m’étais résigné à des relations de simple camaraderie avec tous les protagonistes de la fête. La perspective d’une nouvelle invitée aurait suffi à me mettre en joie, mais l’insistance avec laquelle Allan m’a annoncé la venue de son amie porte au comble mon excitation.
« Elle te plaira », ces mots trottent joyeusement dans ma tête. Trois petits mots qui ne sont peut-être qu’une formule banale dite sans intention, pourtant il me plait d’imaginer qu’Allan ne les a pas prononcés sans raison. Peut-être a-t-il décelé dans le caractère de son amie comme dans le mien les signes d’une affinité qui se révèlera immanquablement lors de notre rencontre. Et cette harmonie, qu’il a pressentie, nous destinera l’un à l’autre. Il m’a livré ce secret comme il l’aura livré à son amie en lui glissant de façon anodine : « il te plaira », lorsqu’il m’a cité parmi les garçons qu’elle rencontrerait ce soir.
Bien sûr, tout cela n’est qu’une fantaisie que mon esprit échafaude dans l’atmosphère surchauffée du jardin. Les préoccupations militantes ont laissé place à des envies plus terre à terre : une assiette bien garnie, des verres bien remplis… et pourquoi pas quelques filles à draguer. Mais l’apéritif se prolonge sans que l’invitée promise nous rejoigne. Lassée de l’attendre, la troupe gagne la salle à manger. Il est maintenant question qu’elle fasse faux bond. Le repas commence sans elle. Pour Allan ce n’est pas si grave :
« On la verra, c’est sûr, demain à la fête », me lance-t-il, comme s’il avait deviné ma déception.